L’impact du rachat de Vossloh par un groupe chinois sur l’écosystème ferroviaire de L’Indre-et-Loire
En Indre-et-Loire, le ferroviaire a désormais « son mouton noir : une entreprise chinoise réputée pour ses vols de technologie ».
A la demande d’un de ses clients, un membre de La Rédac’ EEIE remonte aux sources de l’affaire
Plantons le décor !
Le département de l’Indre-et-Loire dispose d’un écosystème dynamique et innovant dans la filière du ferroviaire, grâce à des acteurs entretenant de forts rapports de partenariats.
On y trouve Wabtec (sécurité ferroviaire), Rustin (caoutchouc), un technicentre de la SNCF (maintenance du matériel), Socofer (constructeur ferroviaire), Meccolia (infrastructure ferroviaire) ou encore Vossloh (systèmes de fixation de rails et systèmes d’aiguillages).
Symbole du dynamisme de l’écosystème, le 29 novembre 2018, Socofer et Vossloh signent la création d’une coentreprise dédiée à la maintenance technologique intelligente. Un investissement à 5 millions d’euros, dont 1,5 d’argents publics. La coentreprise appartient à 55 % à Vossloh et à Socofer pour les 45 % restants.
Klaus Hiller, vice-président services de Vossloh locomotives déclarait alors : « C’est la première fois que nous instaurons ce type de partenariat, parce qu’il répond à une demande. Globalement, c’est une bonne solution face à la libéralisation du ferroviaire en Europe ».
À la même période, le chinois CRRC Group, premier producteur de matériel roulant au monde (chiffre d’affaires de 26 milliards d’euros, présent dans 104 pays avec une couverture de 83 % des pays équipés de lignes ferroviaires) part à la conquête du monde. CRRC Group, sous contrôle direct du gouvernement chinois, casse les prix et propose de créer sur place des usines d’assemblage et une offre chinoise « packagée » avec apport de financement et un ensemble de solutions d’infrastructures : lignes, trains, signalétique.
Son poids économique inquiète et dépêche Alstom et Siemens de demander à l’Union européenne l’accord pour qu’ils puissent fusionner, en vain. Cependant, l’offensive internationale du groupe chinois connait des déboires. Ainsi, faisant suite à l’alerte du Pentagone pointant du doigt des risques de piratage et d’espionnage de la part de CRRC, le métro de Washington renforce la cybersécurité de ses équipements. Le leader chinois est également en difficulté en Europe, peinant à faire homologuer et standardiser ses produits.
Le 27 août 2019, la situation change : CRRC acquiert Vossloh. Le ministre de l’Economie et des Finances, Bruno Le Maire commente alors cette acquisition : « Il y a des mois que nous répétons […] qu’il faut nous armer face à la concurrence chinoise, que le géant CRRC qui est beaucoup plus puissant que Alstom et Siemens réunis va venir en Europe, prendre des marchés en Europe, essayer de racheter des constructeurs de locomotives en Europe ».
Sur le territoire de l’Indre-et-Loire, les conséquences sont directes. CRRC, accusé d’espionnage par le Pentagone, dispose désormais d’un accès libre à son écosystème ferroviaire, de 55% de la coentreprise créée avec la PME Socofer ainsi que des autres partenariats acquis et des laboratoires de recherches affiliés.
Nicolas Iglésias
Sources :
« Bruno Le Maire fustige le rachat de Vossloh Locomotives par CRRC après l’échec de la fusion Alstom-Siemens », L’Usine Nouvelle, 02/09/2019 Simon Chodorge (lien ici)
« CRRC, le géant chinois qui fait peur à Alstom et Siemens », Les Echos, 6/02/2019 par Frédéric Schaeffer (lien ici)
« Quatre équipementiers se regroupent pour former des mécanos », Les Echos, 2/01/2018 Stéphane Frachet (lien ici)
« Vossloh et Socofer inaugurent un centre de maintenance commun », L’Usine Nouvelle, 29/11/2018 Stéphane Frachet